Dans une décision du 5 avril 2018, la Cour de cassation rappelle que la dissolution judiciaire de l’entreprise doit être exceptionnelle.
Dans une situation conflictuelle entre membres d’une même société, l’un des associés peut être tenté de solliciter auprès du Tribunal la dissolution judiciaire de la société.
Pour mémoire, existent trois causes de dissolution judiciaire :
- la dissolution pour justes motifs appréciés par le juge,
- la dissolution pour unicité d’associé,
- la dissolution de plein droit qui découle d’un jugement de liquidation judiciaire.
S’agissant de la procédure, l’action doit être exercée devant le tribunal du siège de la société (Tribunal de commerce pour les sociétés commerciales, Tribunal de grande instance pour les sociétés civiles).
L’article 1844-7-5° du Code civil précise qu’il y a dissolution pour justes motifs :
« notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».
Ces deux cas ne sont pas limitatifs puisque d’autres motifs peuvent être invoqués pour obtenir la dissolution, toutefois la situation de la société doit être irrémédiablement compromise (sinon, la solution pourrait être trouvée à l’aide d’un administrateur judiciaire provisoire).
Si l’hypothèse de l’inexécution par un associé de ses obligations est rare, la mésentente paralysant le fonctionnement social plus fréquemment invoquée.
Cependant, la mésentente entre les associés entraînant la disparition de volonté de poursuivre un objectif commun, ne peut constituer un juste motif de dissolution qu’à la condition d’entraîner la paralysie du fonctionnement de la société.
En d’autres termes, la mésentente doit empêcher de façon irrémédiable toute prise de décision.
La jurisprudence est ferme sur le sujet : Si la mésentente entre les associés ne paralyse pas le fonctionnement de la société (par une défaillance des organes sociaux parce que tous ont démissionné, ou par la mésentente entre groupes d’associés avec une minorité de blocage empêchant toute prise de décisions), cette dernière ne saurait être dissoute par un Tribunal.
Il a notamment été jugé qu’établir la mésentente entre associés ne suffit pas pour obtenir la dissolution d’une société sur le fondement de l’article 1844-7-5° du Code civil, encore faut-il prouver sa paralysie.
Dans cette affaire, il s’agissait d’une société civile immobilière constituée par 3 associés : le gérant détenait 50 % des parts tandis que les deux autres membres de sa famille détenaient chacun 25 % des titres. En désaccord profond avec le gérant sur de nombreuses opérations de gestion, ces deux derniers ont agi de concert en justice afin d’obtenir la dissolution de la SCI. Ils ont ainsi invoqué la mésentente durable paralysant le fonctionnement de la société sur le fondement de l’article 1844-7-5° du Code civil.
Cependant, les statuts de la SCI prévoyaient que les assemblées seraient présidées par le gérant ; ce dernier disposant d’une voix prépondérante en cas de partage des voix. Ainsi, les résolutions nécessaires au bon fonctionnement de la SCI pouvaient être prises.
Dès lors, malgré l’antagonisme des associés, la mésentente ne rendait pas impossible la prise de décision. Il a donc été jugé que la mésentente, même si elle était durable, entre les associés ne justifiait pas sa dissolution de la société.
Cette décision confirme que les tribunaux priorisent le maintien de la société, surtout si le conflit allégué n’entraîne pas sa ruine.